Actualité d'une poétique tactile, dans L'agencement des mobiles. Manifestes - Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Po&sie [Poésie] Année : 2022

Actualité d'une poétique tactile, dans L'agencement des mobiles. Manifestes

Résumé

Un chaos granitique émergeant de la mer : je me présente des livres autour, épars, ensemble, qui introduisent comme un concert silencieux et mettent en relief, dans le bain banal de la matière et ses ressacs, l'horizon dentelé d'une cohérence sensible. Ils restent, ils résistent. Un fil court de l'un à l'autre, les relie peut-être plus fermement encore que leurs reliures cousues-collées. Ce qu'ils offrent à l'oeil, à la pensée ? Des preuves palpables de présences qui se poursuivent, une fois détachées des corps qui les ont émises. Car les livres, on le sait, ont un statut à part, mi matériel mi organique, irréductible dans l'ordre de tout ce qui peut sortir de nos corps et qu'on peut concevoir, ni rejets, ni rejetons : oeuvres. Dans ce geste absurde et beau qui consiste à ajouter du réel au réel en jouant de l'effet de reflet. Ils se mettent à briller comme des vagues, il y en a sur mon lit, d'autres dans ma mémoire, et c'est une musique. Pendant que j'écris ces lignes le bruit d'un chantier se superpose depuis la rue, et je me dis que si c'est une musique, c'est aussi quelque chose dans ce goût-là, la trépidation d'une construction en cours, ou d'une démolition, ou de creusement qu'on ne peut occulter. « C'est le disson qui sonne et sonne sans » commence un poème d'Entrées en matière 1. Je veux parler de poésie contemporaine, et ceux qui croient qu'elle n'est plus à la page, qu'elle a perdu ses propriétés de miroir ou de forage et qu'elle ne peut rien dire de l'époque, ceux-là n'ont pas d'yeux et font de pauvres lecteurs. Car elle offre au contraire un formidable outil de déchiffrement et de saisie qui n'a rien d'un accaparement. Je m'attache à cette manière manuelle qu'elle a d'accompagner ce qui est sans pour autant s'en emparer. En un mot, la poésie a l'art de garder contact. On a peut-être trop vite condamné les pouvoirs d'abstraction du langage : après tout, les mots sont doués, par nature, d'une sorte de réserve qui les préserve efficacement de la prédation directe. C'est bien parce qu'ils tirent du côté de la fiction qu'ils épargnent la matière brute, compacte, mal assimilable du monde et qu'ils peuvent à partir d'elle la doter d'un ourlet, d'une frange, qui la dédouble et la fait apparaître. Il faut cette marge d'éloignement pour appeler le geste. Je tiens à le poser d'emblée, la poésie pour moi touche à l'ontologie. Elle prend toute sa force et se déploie quand elle élabore un rapport renouvelé au réel, à la fois par le toucher et la déprise que, paradoxalement, un tel « tact » entraîne. Cherchant sur internet si je pouvais intituler mon texte « Pour une poésie haptique » sans être taxée de plagiat, je viens de tomber sur un article intitulé « Poésie
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Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)

Dates et versions

hal-03957787 , version 1 (26-01-2023)

Identifiants

  • HAL Id : hal-03957787 , version 1

Citer

Aurélie Foglia Loiseleur. Actualité d'une poétique tactile, dans L'agencement des mobiles. Manifestes. Po&sie [Poésie], 2022, 179-180. ⟨hal-03957787⟩

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